Ouverture: "Dans la troisième histoire, Elisabeth (Kristen Stewart) raconte à Jamie (Lily Gladstone) le temps qu’elle met à venir jusqu’à Livingstone pour donner ses cours, les kilomètres qu’elle parcourt pour quelques heures à peine d’enseignement. Elle le raconte, les traits tirés, assise dans un petit restaurant dégarni, en grignotant quelques frites et un morceau de burger. Contraste d’échelles où la description d’une large distance s’énonce dans le confinement d’un lieu anonyme. Pauvre action de dîner menu pour donner à imaginer la route interminable. C’est que dans Certaines femmes, plus que dans les films précédents de Kelly Reichardt, la grande histoire de l’Amérique éternelle s’insinue dans les plis d’histoires individuelles esquissées en demi-teintes, dont l’extrême concentration semble au départ empêcher la fiction de « prendre », selon un principe de développement et de consécution, mais qui réussit le miracle de l’intégrer en silence sous l’effet d’un dépôt de temps sur les visages et les moindres gestes. Dans une grande surface, Laura (Laura Dern) regarde d’un œil las une ronde indienne et c’est l’Amérique des pionniers qui surgit, bientôt recroisée dans la deuxième histoire à propos de pierres en grès qu’une jeune mère de famille, Gina (Michelle Williams), souhaite acheter à un vieil homme pour la construction de sa maison « authentique ». Dans une salle de classe peu éclairée et occupée, Elisabeth raconte l’histoire des droits scolaires aux États-Unis. Les tâches quotidiennes de la palefrenière se découpant sur les plaines du Montana au petit matin entretiennent également l’idée que de simples actions, entièrement dévolues à leur immanence, sont à même de s’accorder à des latitudes mythologiques sans apprêts, juste par inscription concrète dans un environnement dont les personnages, forts de leur être-là, dépourvus de toute antériorité, parviennent à exprimer l’évidence native.
[...]
Chez Kelly Reichardt, la vérité est bien toute entière dans le réel, dans son poids, ses reliefs, ses détails. C’est dur évidemment mais il est doux aussi de pouvoir y recevoir, telle une lumière filtrant par la fenêtre, une étrange source de chaleur. Une chaleur frissonnante, entre chien et loup, comme dans un journal intime de Patti Smith."
"Il y a un lieu, l’Amérique" par David Vasse - Une prise en DV - pour Le Café en revue – 06.03.17
-Loving (Nichols) (7.4/10) (Rédaction)
-Certaines femmes (Reichardt) (8/10) (Rédaction)
-Le Secret de la chambre noire (Kurosawa) (5.2/10) (Rédaction)
-Kong: Skull Island (Vogt-Roberts) (3/10) (Thomas)
-Les coups de cœur de la semaine:
-Erwan: Loving (Nichols) et The Good Fight (les premiers épisodes de la saison 1)
-Laure: Belle de nuit - Grisélidis Réal, autoportraits (de Grave)
-Mathieu C: revoir Le Voyage au Groenland, Inupiluk et Le film que nous tournerons au Groenland (Betbeder)
-Thibaut: revoir Do the Right Thing (Lee)
-Thomas: L'abîme se repeuple (Semprun), Beat The Devil (Scott) et revoir True Romance (Scott)
-Tracklist:
1. Minnie Riperton - Lovin' You
2. Bob Dylan - Tonight I'll Be Staying with You
3. Ramones - She's the One