-Ouverture: "* L’âge des metteurs en place : si toute tentative de caractérisation de quelque chose comme l’époque ne peut que prendre la forme d’une blague sur les précédentes. Soit par exemple « l’âge des metteurs en scène », d’après un « Oui » presque célèbre de Jacques Rivette 1954, ceux-là « mouvant sur la scène illimitée de l’univers les créatures de notre esprit ». (Qui dira si l’occupation de places dans les villes limitées de la planète aura été un trait politique singulier, celui d’un moment en cours ? Abandonner à tous les Marker le temps du futur antérieur.)
Alors, pourquoi pas la fin de cet âge des metteurs en scène, de longtemps proclamée, par celui qui ne voulait pas en être le dernier représentant, sous le nom rusé de « mort du cinéma », lui qui préférait devenir le premier des metteurs en place – no country for old men, pas un pays mais plusieurs mondes, par exemple Godard.
Alors, la transmutation ou l’abandon des valeurs de cet autre âge, malgré les forces subversives qu’elles ont si longtemps contribué à déchaîner : l’espace obscur de la salle et son unique fenêtre ouverte (plein écran), la photogénie du visage humain excepté de la foule, le monde optiquement reconstruit comme vision-du-monde, la lisibilité de l’image comme texte, etc. ?
Si « le contrôle de l’univers » a réussi à se confondre avec l’univers, le cinéma devenant le monde, viendrait tout seul le moment où ne se reconnaissant plus, il prononce pour lui-même : « à la fin tu es las de ce monde ancien ».
Tout cela, vraiment, grâce à de petites machines confondues à nos corps qui marchent [3] ? Peut-être que oui. Oui ou non, quelle banalité, et quel événement.
Vite dit : au point de vue (morale de la mise en scène), comment encore substituer des « points de voir » (c’est une expression de Fernand Deligny, théorie de la mise en place). Capables de remettre certaines choses à leur place et d’en déplacer d’autres, point.
Allons-y ! de Teddy Williams, avec ses manifestations multiples et simultanées, réussissant à être le contraire d’un chef-d’œuvre, serait alors une possibilité parmi d’autres de film à l’âge des metteurs en place. Une traversée de la foule, faite de moments allant ensemble, une pensée des choses qui marchent les unes avec autres, par contact et relais. Autre chose que le cinéma, qui avait été locomotive (accrocher, tirer) et robot (connecter, interpréter), et qui est toujours autre chose que lui-même. N’en tirons aucune conclusion. Pas même, bien que cela soit tentant, l’espoir filmique d’une violence nouvelle [4]-. Allons-y.
Un(e) critique de films dans tout ça, n’aurait plus pour tâche d’être ce qu’il ou elle n’a quasiment jamais été, à tort ou à raison, cet « alter ego ouvrier du cinéaste » qu’appelait de ses vœux Marcel Hanoun. Mais tout ce qu’il pourra simultanément mettre en place, dans son domaine, participera aux élans de la volonté de bonheur des hommes, dont chacun est libre de s’exclure".
Extrait du texte: Nuits Debout #1 Allons-y ! : L’âge des metteurs en place* par Luc Chessel pour la revue Débordements. 01/05/16.
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