-Ouverture: "Reste le mystère d'un film coupé en deux, qui nous raconte quasiment la même chose, mais différemment. Ce n'est pas la première fois que Hong Sang-soo s'essaye à ce procédé de « film brisé » que l'on retrouve sous diverses formes toutes aussi mystérieuses les unes que les autres : La vierge mise à nu par ses prétendants et plus récemment The Day he Arrives. Le réalisateur se joue de nos habitudes de spectateur averti qui cherche sans cesse à établir des connexions et des comparaisons, qui souhaite tout comprendre et tout interpréter. Le cinéaste veut dénouer ces mécanismes en les rendant inopérants, en nous tirant par la manche vers toujours plus de simplicité. Le fait que le film raconte de deux manières différentes une même rencontre est évidemment de l'ordre de l'expérimentation pure, mais il ne faut pas y chercher une sorte de théorie, la clé se trouve à la surface, dans ce que nous voyons et dans l'effet perturbant que cette répétition produit en nous. D'une version à l'autre, quelques petits ajustements, une réplique qui saute, un dialogue complètement différent, un peu moins d'enthousiasme ici, un peu plus par là, la jeune peintre boit dans le premier film et pas dans le deuxième, dans le premier film l'homme s'enthousiasme pour sa peinture, dans le deuxième il émet des critiques. On peut évidemment penser à Smoking / No Smoking ou encore à la place de choix que possède le hasard dans l'œuvre d'Eric Rohmer et pourtant rien de déterminant ne change le cours de la rencontre, c'est toujours un peu pareil. Comme ces cinéastes, Hong Sang-soo a toujours ménagé beaucoup de place au hasard et à l'aléatoire jusqu'à en faire un personnage à part entière : il n'y a pas qu'un homme, une femme et de l'air dans le plan, il y a aussi cette force invisible et malicieuse, cette loi qui voyage incognito, comme l'énonce un proverbe arabe, et qui actionne la rencontre avant de lui donner forme. Hong Sang-soo nous dit quelque chose de très simple : il arrive que nous sous-estimions parfois son influence, mais on peut aussi la surestimer. Le hasard n'est pas qu'une grande affaire, c'est aussi une petite histoire qui tourne sur elle-même sans but. Elle peut être à l'origine d'une rencontre décisive comme d'une coïncidence dérisoire.
Qu'est-ce qui lie donc ces deux films ? Sont-ils les deux versions d'une même série de faits ? La version de l'homme suivie de celle de la femme ? Sur nous, le deuxième film fait l'effet d'être la carte imprécise d'un territoire déjà arpenté, ou alors la répétition cauchemardesque et amnésique d'une même situation. Un film se superpose à l'autre, et trace les contours de leurs dissemblances. Le premier serait alors le réel, et le deuxième sa version ? Ou alors, autre hypothèse énoncée à l'aune d'une filmographie : il n'y a, chez Hong Sang-soo, que des versions, jamais de réalité, des apparences tenues par aucune substance et tout s'écrit et se filme sur fond de ce deuil-là. Puisque tout n'est jamais que version, l'essence même de la réalité se confond alors avec celle du cinéma. Un rapport au réel, c'est toujours déjà un film".
Extrait du texte de Muriel Joudet sur Un jour avec, un jour sans (Hong Sang-soo) pour l'ACOR. On y trouve également une série de textes sur les films morcelés.
-Ave, César ! (Coen) (4.5/10) (Rédaction)
-La Tour 2 contrôle infernale (Judor) (4/10) (Rédaction)
-Un jour avec, un jour sans (Hong Sang-soo) (7.8/10) (Rédaction)
+ une autre lecture pour accompagner le film: le texte de Romain Lefebvre, Sagesse de la surface, pour la revue Débordements.
-Les coups de coeur de la semaine:
-Erwan: En haut des marches, Rosa la rose, fille publique et Once more (Vecchiali)
-David (aka DVD): ce que donne à voir une séquence (Piment de la Bomba) du film Les Dalton (Haïm) de l'adaptation de la BD au cinéma...
-Mathieu: Heartworn Highways (Szalapski)
-Thibaut: Fargo Saison 1 et le clip de New Order Singularity
-Thomas: Attaque au Cheyenne Club (Kelly)