-Ouverture: "Sorti il y a maintenant un mois, Vincent n’a pas d’écailles a réuni environ 70 000 spectateurs. Chiffre enviable, pour un premier long-métrage sans acteurs clairement identifiés, mais qui indique une fois encore que ni une tournée triomphale en festivals (une dizaine en France, s’accompagnant d’un prix du jury à Bordeaux et d’un prix du public à La Roche-sur-Yon), ni un très chaleureux accueil critique, ni une ample campagne promotionnelle menée par un distributeur important (Le Pacte), ne sont à même de faire le succès d’un film. Ce constat pourrait être source de lamentations renouvelées, ou de généralités abusives. Il n’est pas impossible que, tout simplement, le film a déçu, faisant retomber trop vite la vague qui le portait. Du point de vue de la fonction sociale de la critique (et donc de son écriture), cela permet en tout cas d’affirmer une nouvelle fois la possibilité d’une déliaison. Sans pouvoir prescripteur, la critique se voit à la fois défaite et déplacée - remise en chantier. Non qu’il faille abandonner tout espoir d’aider un film au moment de sa sortie, dans les quelques heures ou jours qui scellent son destin auprès de certains exploitants, mais, à l’évidence, cela ne peut être qu’une vocation marginale - une manière, surtout, de ne pas céder contre l’argent et la communication, qui se retrouveraient seuls à mettre en lumière une œuvre, ou selon leur logique, un « produit culturel ». Hors les nécessités économiques de la presse, le geste critique n’a plus de temps pré-déterminé, ou ne devrait plus en avoir. Sous cet aspect, les lieux d’écriture sur Internet auront peut-être moins souffert de la diffusion massive et accélérée de la parole, et donc du risque de sa péremption quasi-instantanée, que de conformisme. Le petit théâtre qui entoure la dramaturgie des sorties hebdomadaires se déploie aussi bien ici qu’ailleurs - c’est même ainsi, à se caler sur le rythme du papier, qu’il est possible de gagner en légitimité. Or, il faudrait être capable d’aller très vite et très lentement, d’être très en avance et très en retard - d’inventer et de varier son tempo.
Cela est aussi valable pour les exploitants, qui depuis le numérique, peuvent conserver sur leurs disques durs un certain nombre de films. Faut-il alors continuer à tenir au principe de sortie nationale (qui, nationale, l’est d’ailleurs souvent si peu, à moins de réduire la France à Paris) ? Ne serait-il pas envisageable, tant dans la diffusion que dans la réception, de concevoir pour un certain nombre de films au moins (tous ceux qui ne profitent nullement d’effets de masse), d’autres rythmes et d’autres échelles, en privilégiant la course de fond au sprint, et le local à la parodie du national ? La question critique n’est donc qu’un des aspects d’un vaste chantier, concernant les distributeurs et les attachés de presse, souvent trop heureux de collecter adjectifs et autres formules usés jusqu’à la corde pour promouvoir leurs films ; et une partie des exploitants qui, considérant que le « cinéma d’auteur » était devenu un loisir de vieux, ont opté pour une stratégie à courte vue (fragmentation des publics, ciblage des ainés de centre-ville) qui apparaît surtout comme une incapacité à penser l’intégration de la salle à notre environnement numérique (circulation des images, mais également des discours). À ces propos, trop généraux, on opposerait aisément cent contre-exemples. Mais peut-être ne seraient-ils que cela, des exemples, cailloux ou rocs résistant contre le flux. Est-ce à dire que chacun doit travailler seul, au gré de ses lubies du moment ? Non, puisque l’enjeu est bien de nouer des alliances, de mener des guérillas - autour de films, avec des cinéastes, des salles. La critique, déliée du principe d’actualité qui la rend souvent si faible en pensée, n’en devient pas irresponsable, au contraire. Cette autonomie gagnée, elle peut et doit la réinvestir concrètement. Ce ne sont ni les films, ni les discours, qui manquent, mais les lieux où ceux-ci peuvent véritablement résonner, faire écho. Il manque de la mémoire et du souffle. L’événementiel, devenu la dernière ressource pour accéder à une quelconque visibilité, n’aura jamais de sens qu’à s’inscrire dans un travail constant, situé, et à contre-courant. Tel est donc le travail concret : fabriquer des lieux, découpes d’espace et de temps où des choses se distinguent, s’agrègent et perdurent. Des oeuvres, des salles, des revues - et les circulations des unes aux autres." Raphaël Nieuwjaer, "Vincent n'a pas d'écailles, Thomas Salvador. Courant et contre-courant", Débordements, 17/03/15.
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