Le mardi 1er décembre, le métro rennais a officiellement ouvert ses portillons flambant neufs jusque là empaquetés dans du carton et du film plastique noir. L’objectif selon la mairie et Rennes métropole : lutter contre la fraude. Dans les faits : une installation polémique jugée discriminatoire envers les personnes en fauteuil roulant.
Pour en parler, l’(In)attendue a reçu Emma et Gaëtan, deux membres du collectif “On existe”, un collectif rennais de PMR, personnes à mobilité réduite, qui depuis 2015, regroupe une dizaine de personnes mobilisées pour défendre l’accessibilité des PMR aux transports en commun. “On existe” est né dans la réaction, suite à la décision prise il y a 5 ans maintenant par Rennes métropole d’installer des portillons pour le contrôle dans le métro rennais, ouvert entièrement jusqu’à ce mardi 1er décembre.
Pourtant, lors des dernières municipales, la liste écologiste était fondamentalement contre l’installation de ces portillons. On aurait pu penser que l’alliance au second tour avec la majorité déjà en place à la mairie leur aurait permis de négocier ce point sensible mais finalement, ce ne fut que déception pour le collectif. A Rennes, on se justifie autour d’un objectif : la lutte contre la fraude. Dans une ville dirigée par une majorité socialo-écolo depuis 2014, le choix affiché autour des portillons laisse dubitatif quand d’autres villes mettent en place progressivement la gratuité des transports. L’efficacité des portillons dans cette lutte n’a pas encore de visibilité, mais un constat, lui, se dessine : la supériorité de l’intérêt économique sur l’inclusion des PMR.
Les raisons de la colère sont nombreuses, notamment la position du portillon par rapport à l’ascenseur qui crée un espace trop restreint. Cet argument est criant pour les stations de la ligne A, la première ligne du métro rennais inaugurée en 2002 et qui n’a jamais été ni pensée, ni conçue, pour accueillir un tel dispositif. Qu’il s’agisse de la ligne A ou B, un seul portillon sur l’ensemble des portillons d’une station est dédié aux PMR et dépasse les 90 cm nécessaires au passage d’un fauteuil. Enfin, autre source d’inquiétude majeure pour le collectif, le geste de validation, possible d’un seul côté du portillon.
Après 5 ans de travail préventif et d’implication de la part du collectif auprès des institutions rennaises pour que ces portillons ne voient jamais le jour, l’heure est au pragmatisme. Il ne s’agit plus pour le collectif de demander une accessibilité pleine et entière mais suite à cette installation, une accessibilité qui soit la moins pire possible. Pour cela, Emma, Gaëtan et les autres demandent, pour le moment vainement, des ajustements : que la validation soit possible des deux côtés, un deuxième portillon plus large destiné aux PMR, la possibilité d’appel en cas de problème par un système d’interphonie ou encore une assistance humaine possible par le biais de caméras.
Bref, des solutions existent. Mais Rennes métropole ne les entend pas, ou ne les entend qu’à moitié. Pour preuve, à l’issue de l’entrevue que le collectif a obtenu fin septembre avec Matthieu Theurier, le vice-président de Rennes métropole chargé des transports et de la mobilité, une chose a été obtenue : le fait que les personnes accompagnées par un ou une auxiliaire de vie pourront passer à deux dans le portillon sans risque de fermeture. Sachant qu’une personne en situation de handicap n’est pas forcément accompagnée (faute de possibilité de l'être ou par choix d'autonomie), un peu léger comme concession. Alors que les bus et arrêts de bus du STAR sont relativement bien équipés et accessibles, on assiste à une réelle régression en termes d’inclusivité des personnes en situation de handicap. Comment expliquer qu’une chose aussi normale que se déplacer dans la ville devienne si compliqué et contraignant pour une partie de la population rennaise ?
La mobilisation du collectif pour se faire entendre (pétition en ligne sur Change.org, lettre ouverte adressée à la présidente de Rennes métropole, tutos Youtube pour montrer l’absurdité du dispositif tel qu’il est conçu…) est permanente et pourtant les réponses ne sont pas au rendez-vous. Enfin si, une. Suite à la lettre ouverte adressée le 22 novembre, Rennes métropole, par la voix de Matthieu Theurier a indiqué que “la mise en fonction des portillons PMR est suspendue en attendant de trouver une solution d’accessibilité pleine et entière”. Pour Emma et Gaëtan, cette considération tardive traduit une réflexion discriminante et insultante de la part de Rennes métropole. Comment peut-on à la fois promouvoir l’inclusion et créer les conditions propices à la stigmatisation ?